La création comme acte de résistance - La création, ma liberté.
Depuis ma plus tendre enfance, je noircis des feuilles blanches afin de remplir le vide intérieur, masquer les cris et les coups. Le crissement du crayon couvrait les pleurs, infligeait au papier les blessures que secrètement je rêvais de donner aux bourreaux. Je pratique un art spontané, presque automatique. Un art qui occupe l’esprit, qui distrait, qui transporte ailleurs. Partout sauf ici-bas. Question de survie. Traumatisée par trop de violence, je vis recluse dans mon atelier à fantasmer un monde meilleur. Un monde dans lequel la peur n’existe pas. C’est, entre ces quatre murs, à l’abri de toutes agressions extérieures que je suis partie, il y a plus de vingt-cinq ans maintenant, à rebours de ma vie. Démêler le nœud ou l’histoire était devenu capital pour comprendre et avancer.
Mon œuvre s'inscrit dès lors dans une démarche artistique contemporaine imprégnée d'une quête intérieure constante, elle est un véritable champ de bataille sur lequel se côtoient plaies ouvertes, douleurs intérieures profondes et périodes de cessez-le-feu. L'acte créatif m'entraîne à approfondir toujours plus en avant le dialogue entre cette âme blessée, mes gestes impulsifs et le support vierge de tout jugement.
Affublée d’une hypersensibilité, je trouve mon inspiration dans le débordement de mes émotions et autres pulsions ravageuses. Le dessin et la peinture ont toujours eu ma préférence en état de guerre. Apaisée, c'est vers la sensualité de la matière que je me tourne plus volontiers.
Contrairement à un psyché en perpétuelle ébullition, l’art me canalise. Il m’impose une gestuelle binaire, violente ou caressante. Je ne maîtrise pas l'entre-deux, cet espace où l'équilibre de toute chose règne en maître.
Une grande partie de mon oeuvre consiste d'ailleurs à travailler, avec obstination, cette zone d'ombre afin de rendre le geste créatif plus mesuré. Le chemin a parcourir reste immense.
Autodidacte par nécessité, je ne veux appartenir à aucun courant artistique en particulier. La prison d’une étiquette me serait fatale. La liberté de pouvoir passer d’une inspiration à une autre est ma seule lucarne, jamais je ne la marchanderai.